mercredi 25 février 2009

C.Chabrol, LA FILLE COUPEE EN DEUX (2007)


Claude Chabrol distinguait entre deux catégories de cinéastes, ceux qui font de la poésie et ceux qui racontent des histoires; lui-même se disait appartenir à la seconde catégorie. Un bon conteur et bon metteur en scène est en mesure de narrer des événements qui en leur singularité même, acquièrent un sens universel: lorsque le particulier qui nous est donné à voir est exemplaire, paradigmatique, témoignant d’un aspect de la condition d’homme. Mais savoir conter n’est pas une mince affaire; il faut maîtriser et lier plusieurs éléments: le dramatique des situations et la qualité des personnages, la vraisemblance, l’histoire proprement dite et son rythme. De cette capacité, Chabrol a maintes fois fait montre – le fait-il à nouveau avec La fille coupée en deux ?

Passé un superbe générique, où sont suggérés, filtre rouge et musique aidant, le luxe et l’élégance mais aussi la violence des passions, on ressent une certaine gêne avec la découverte progressive des personnages; quelque chose sonne faux et ceux qui devraient être des « personnages-types »: écrivain libertin, fils dégénéré de la grande bourgeoisie, notables véreux, jeune beauté de province, mère inquiète, sont présentés avec trop d’ostentation et frisent toujours la caricature. Les rencontres qui s’en suivent pêchent pour les mêmes raisons, et l’on a du mal à y croire. Chabrol comme à l’accoutumée tourne hors de Paris, avec le souci de faire voir d’autres villes et d’autres lieux; mais les traits de son Lyon bourgeois et affairiste paraissent eux aussi un peu forcés.


Et pourtant… bientôt, inquiétudes et déceptions laissent place à un véritable plaisir, voire même sur la fin à une certaine fascination. Le film monte d'abord en puissance tout du long, par ailleurs, ce qui est perdu en vraisemblance est comme gagné en rythme et en vivacité: les choses vont vite, les situations évoluent rapidement, au préjudice certes de la plausibilité, mais au bénéfice de la dramatisation. Finalement, certains des personnages que l’on trouvait superficiels s’étoffent indéniablement, en particulier Paul Gaudens (B. Magimel) et sa mère (Caroline Sihol). Par ailleurs, Chabrol a le goût de la beauté, goût qui peut s’exprimer avec bonheur lorsqu'est choisie la peinture d’un milieu qui recherche le beau, ne fût-il qu’ornement. On jouit avec le réalisateur des lumières, des architectures, des intérieurs élégants, de la surface en somme; notre oeil est flatté, sans qu'il y ait péché d'esthétisme.

Enfin, on ne saurait ne pas évoquer l'étrange et brutal achèvement du film, superbe métaphore où l’on apprend, avec Gabrielle (L. Sagnier) que les illusions et fantasmes, à l’origine de nos affects, pénètrent la chair aussi sûrement que des instruments de torture.

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