mercredi 4 février 2009

N.Klotz, LA QUESTION HUMAINE (2007)


Un film sur la shoah qui avance masqué -parce que l'on ne saurait la représenter-, ou bien un film sur le monde de l'entreprise dans nos sociétés contemporaines, monde si abject qu'il peut être pensé par analogie avec le fonctionnement bureaucratique nazi? Il serait oiseux de chercher à trancher, disons qu'est interrogée l'humanité de nos systèmes sociaux technocratiques voués à une rationalisation croissante, tendant à réduire toujours la responsabilité morale individuelle et la force des valeurs qui ne peuvent prendre un sens assimilable par les procédures organisationnelles. Non content de décliner ce problème au prisme du régime nazi et de l'entreprise capitaliste, Klotz évoque aussi la politique actuelle d'immigration de la France.

De manière fine et convaincante, l'accent est mis sur l'usage de la langue, comme symptôme par excellence de l'état moral d'une société. Le langage froid et châtié mais redoutablement efficace de Simon Kessler (assez bon Amalric), directeur des ressources humaines dans une grande entreprise, devient le fonctionnement à l'aveugle d'une humanité qui s'oublie; à celui-ci vient s'opposer la musique, beauté qui, née de son sein, inflige à l'homme (en l'occurrence Mathias Just, très bien interprété par Lonsdale) le difficile rappel d'une plus grande destinée.

On le voit, La question humaine a du point de vue du propos une assez grande ambition, et se permet de développer ses interrogations en plusieurs directions. Mais c'est pour l'instant bien théorique dira-t-on; c'est là que le bât blesse. Quoique non dépourvu de beautés et d'esprit, le film peine à être à la hauteur de son discours et se trouve écrasé par celui-ci, n'en devenant parfois qu'une illustration palotte. Lorsqu'il devrait nous bouleverser, il nous laisse froid. Il manque à l'oeuvre l'unicité et l'unité esthétique qui la fasse tenir indépendemment de ses mots (dont une importante part est énoncée en off), et la garantisse d'une dispersion déjà évidente au niveau théorique.

Nicolas Klotz semble hésiter entre plusieurs options esthétiques et fait le choix d'un film à la structure et au style relativement éclatés (flirtant tour à tour avec les influences surréalistes, la stylisation truffaldienne, le lyrisme polémique d'un Debord, ou la nervosité contemporaine d'un cinéma de clips), mais l'alchimie ne se fait pas. Nous avons trop l'impression d'un réalisateur qui se cherche, collant tant bien que mal des morceaux ne tenant que par un discours, assumant une fonction théorique permettant des correspondances parfois judicieuses entre séquences, mais aussi, et c'est plus problématique, une fonction de commentaire, sans laquelle l'image resterait souvent muette, et la structure narrative inconsistante. L'omniprésence de ce « discours-commentaire » signale en négatif l'échec de l'image et produit un film qui, se voulant intelligent à chaque instant, se révèle sentencieux.

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