lundi 2 février 2009

Sydney Lumet, A LA RECHERCHE DE GARBO (1984)


A la recherche de Garbo n'est ni l'un des meilleurs Lumet, ni l'un des plus représentatifs. Il mérite néanmoins d'être vu, au moins pour deux raisons. La première tient à sa place dans l'oeuvre du cinéaste, la seconde interpellera tout amoureux du cinéma. Lumet réalise ici une comédie dramatique, ce qui contraste avec le gros de ses oeuvres (des polars pour dire vite) – quoique celles-ci ne soient jamais dépourvues d'humour.
Dans A la recherche de Garbo, il rit de son cinéma, voire le caricature, transpose en tous cas sur un mode comique certains des éléments récurrents de ses travaux. On retrouve ainsi les accents épiques caractérisant les combats menés par des personnages solitaires, soutenus par une volonté inébranlable. La musique, à laquelle Lumet est toujours très attentif vient comme à l'accoutumée soutenir avec force les actions et décisions des personnages. Mais en guise de héros passionnément juste, nous avons ici une new-yorkaise idéaliste et donneuse de leçons quelque peu agaçante, qui avec candeur, appelle à tout bout de champ chacun à se comporter mieux qu'il ne le fait ou à se révolter contre sa condition sociale (Estelle Rolfe, jouée par Anne Bancroft). Gravement malade, elle formule ainsi son plus grand désir: « rencontrer Garbo ». Son fils, Gilbert (Ron Silver), qui entend accomplir sa dernière volonté, endosse alors la position du héros lumetien prêt à accomplir envers et contre tout ce qu'il considère sa mission. Cette situation produit une intrigue amusante et un suspense réel.

Mais ce en quoi A la recherche de Garbo nous paraît le plus convaincant tient en la mise en scène d'un aspect caractéristique du cinéma, la fascination devant l'image, voire l'identification à celle-ci, possibilité merveilleuse de « sentir » d'autres vies ou de sublimer la nôtre, mais risque d'une existence vécue par procuration, situation pathétique voire pathologique de celui qui ne vit que fantasmatiquement, épaulé par les images que lui offrent le cinéma. Cette tension se cristallise tout particulièrement autour de la figure de la star, personne réelle mais dont l'identité fantasmée consiste en la mémoire cinématographique qu'on lui attache – les rôles qu'elle a endossés. L'admiration voire l'amour qu'il est possible de ressentir pour une star révèle à la fois le désir du beau et de la perfection et la propension à fuir le réel dans une passion vaine et ridicule. La plus grande réussite du film tient certainement en le personnage de l'étoile Garbo, que Lumet a su entourer d'un halo de mystère. Femme insaisissable, elle apparaît à l'écran comme une silhouette évanescente, à peine réelle, pélerine et chapeau se mouvant dans le flou avec élégance. Or, vérité couronnant A la recherche de Garbo, c'est Greta Garbo en chair qui incarne Greta Garbo fantasmée.
Non créditée au générique, elle laisse quelques précieuses secondes apparaître son visage et prononce une poignée de mots de sa voie grave. La comédie de Lumet, ocassion d'une réflexion drôle et mélancolique sur la puissance de l'image au cinéma, devient alors un des plus beaux hommage à « la divine ».

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