mardi 24 mars 2009

S.Jonze, DANS LA PEAU DE JOHN MALKOVICH (1999)


Dans la peau de John Malkovich est un petit ovni cinématographique. Si l'on ne sent pas la patte d'un véritable «auteur», s'il n'innove pas stylistiquement ni n'a d'esthétique propre, il est un film que l'on n'oublie pas, en raison surtout du remarquable changement de ton qui s'opère tout du long.

Avec une grande adresse, Jonze jongle avec les genres et se joue de nos affects. Ainsi passe-t-on d'un rire presque salace au rire devant l'absurde puis à l'inquiétude, voire à l'angoisse. Or, celle-ci repose bien plus sur l'«idée» que sur la mise en scène. Le réalisateur nous convie à une expérience de pensée, construit une situation que nous ne saurions vraisemblablement connaître dans la «réalité», mais que le cinéma rend envisageable. C'est un problème métaphysique qui donne sa force au film, celui de l'identité personnelle, posé en ses termes fondamentaux, au niveau de la relation entre le corps et l'esprit. La situation est en effet celle-ci: il est possible de pénétrer, en gardant sa propre conscience, dans la peau de Malkovich. Il s'agit d'abord de voir le monde à travers les yeux d'un autre, puis de la tension entre deux «âmes» dans le même corps, enfin du divorce entre identité corporelle et personnelle. Malkovich est et n'est plus Malkovich lorsque Craig a pris le contrôle total de son corps.
La star de cinéma est évidemment un riche terrain pour poser cette question de l'identité, avec ces problématiques afférentes: aliénation de l'acteur dans ses rôles, vampirisme du public... toutes choses qu'à un moindre degré chacun peut connaître dans ses rapports avec autrui.

D'un point de vue technique, la force du film tient au fait que son mouvement vers l'étrangeté, la radicalisation de sa tension psychologique, s'accompagne d'un mouvement vers plus de réalisme, cela même jusqu'à l'usage d'un pastiche de documentaire. Et la loufoquerie adolescente – mais franchement drôle – du début se mue peu à peu en horreur métaphysique.

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