lundi 30 mars 2009

R.-C. Sarafian, POINT LIMITE ZERO (1971)


Kowalski file à 200 km/h vers San Francisco, au volant d'une Dodge Challenger 70'. Ses raisons sont obscures, mais l'on sait que tant qu'il le pourra, il roulera, eût-il toute la police du pays à ses trousses. Road movie, Point Limite Zéro est, comme il convient au genre (du moins en ces années) rock n' roll et libertaire, mais tient aussi bien du western (les chevaux-machines remplaçant les montures et l'as du volant l'as de la gâchette). C'est vers l'ouest que court un personnage ambigu, hors la loi mais ancien policier honnête; il est même suggéré que c’est par un trop grand souci de la justice qu’il fut conduit à quitter la police. Sa course folle éveillera la sympathie populaire, celle que l'on a pour celui qui va jusqu'au bout (de quoi?), seul contre tous.

C'est que la loi ne paraît pas juste mesure lorsqu'elle est confrontée à des cas limites semblant exiger une autre justice. Selon que l'on voie dans les actes de Kowalski liberté ou fatalité, héroïsme ou folie, on pourra estimer qu'il appartient à un tel homme de décider lui-même de ce qui est juste (nietzschéisme), ou bien que sa marginalité appelle une justice qui malgré tout récompense et préserve (christianisme ; penser à tous les marginaux rencontrés : le noir aveugle, le chasseur de serpent, les hippies, les homosexuels…) : tension morale caractéristique des années soixante-dix.

Le parti pris narratif consiste à doter le personnage de consistance par le jeu de flash-back. Sarafian n'évite ni les poncifs ni le sentiment d'arbitraire qui accompagne l'irruption de ces séquences. Néanmoins on en apprend sur Kowalski. Si sa course tient du trip et du pari, elle semble aussi une fuite. N'y a-t-il plus nulle part de place pour lui? Bien rarement en effet le voit-on à échelle d'homme, parmi ses semblables. Le film se polarise ainsi entre des plans très rapprochés sur la carrosserie et le bitume qui défile et de très larges plans d'ensemble traversés par une ligne de poussière. Mais la course en elle-même ne peut mener à rien, et traverser le vide à pleine vitesse ne l'abolit pas ni n'empêche de tourner en rond, comme en témoigne, en de superbes plans, la caméra surplombant le désert.

Aucun commentaire: